Un concert de quatuor à cordes peut atteindre parfois des sommets d’intensité, une puissance que même les concerts de musiques amplifiées les plus galvanisants peinent à reproduire. Encore faut-il que les musiciens et les partitions en présence soient les bons. Ici, avec le Quatuor Voce – 20 ans cette année –, on tient l’une des plus enthousiasmantes formations françaises en activité. Et avec les œuvres de Maurice Ravel (1875-1937) et Claude Debussy (1862-1918) – pièces uniques dans leurs catalogues respectifs –, deux joyaux non seulement de la musique française, mais aussi de tout le répertoire – le plus « noble » de la musique « classique ».

Le Premier Quatuor (il n’y en eut jamais de second) fut entrepris par Debussy en 1892, en même temps que son mythique Prélude à l’après-midi d’un faune. Œuvre d’un compositeur au seuil de sa maturité artistique, elle frappa à l’époque par ses audaces sonores, ses couleurs orientales (Debussy venait de découvrir le gamelan balinais) et sa concision bien peu classique : autant de qualités qui émerveillent encore aujourd’hui, au même titre que la sensualité véloce propre à ce compositeur pour qui, en matière musicale, « le plaisir est la règle ».. 

Quant à Ravel, c’est à 28 ans seulement qu’il acheva, dix ans après son aîné, un Quatuor en fa majeur qui frappe par sa perfection formelle et expressive : moins extravertie, plus intime que celle de Debussy, plus mélodique aussi, sa partition distille un féerique et miroitant climat de rêverie, où, comme chez Mozart, la joie de vivre perpétuellement le dispute à la mélancolie. Un mémorable voyage en perspective, à travers les inépuisables paysages de cette « Belle Époque » de la musique française.